Etudes belges d’évaluation de la qualité de l’air à proximité des aéroports
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Sommaire
Plusieurs études scientifiques se sont penchées sur l’évaluation de la pollution de l’air à proximité des zones aéroportuaires. En Belgique, des études ont également été menées par les Régions flamnde, wallonne et bruxelloise au niveau des aéroports de Zaventem et Bierset. En voici les principaux résultats.
1. Polluants réglementés (directive 2008/50/CE)
En considérant les polluants réglementés par la directive européenne 2008/50/CE, deux études ont été réalisées en Belgique pour estimer l'impact de l'aviation sur la qualité de l'air.
La première étude est une campagne de mesures menée en 1997 et 1998 autour de l'aéroport de Bruxelles National par la VMM. Le rapport de cette étude (intitulé "Immissiemetingen in de omgeving van de luchthaven Brussel-National te Zaventem en Steenokkerzeel", periode 1 januari 1997 - 31 maart 1998, Vlaamse Milieu Maatschappij) avait conclu :
- Les polluants émis par les avions ont un impact sur la qualité de l'air au sol uniquement au moment du décollage et dans un périmètre très restreint autour des pistes. Dès que les avions prennent de l'altitude, les polluants qu'ils émettent n'influencent quasiment plus les concentrations mesurées au sol.
- Les concentrations de SO2, NO, NO2, PM10, benzène et HAP ( hydrocarburesCe sont des composés organiques liquides constitués de carbone et d’hydrogène dérivés du pétrole. Le mazout, l’essence et d’autres types d’huiles minérales en font partie. Ces huiles ont la particularité d’avoir une faible densité. Lorsqu’elles s’infiltrent dans le sol, elles peuvent atteindre l’eau souterraine et y former une couche flottante. aromatiques polycycliques) mesurés à la station de Steenokkerzeel, distante d'environ 1 km des pistes de l'aéroport, n'ont pas montré de sensibilité marquée au passage des avions (décollage et atterrissage). L'évolution des concentrations d'oxydes d'azote dans cette commune a par ailleurs montré une sensibilité nettement plus importante à la circulation automobile environnante. Autrement dit, les émissions des véhicules, des systèmes de chauffage et de certaines industries jouent comparativement un rôle nettement plus important sur la présence des polluants dans l'air que nous respirons.
La seconde étude a été effectuée par l'ISSEP en 2003-2004 autour de l'aéroport de Bierset. Le rapport correspondant (intitulé "Evaluation de la qualité de l'air ambiant autour de l'aéroport de Bierset", juin 2004) aboutissait globalement à la même conclusion. En voici quelques extraits :
" ... Cette synthèse concerne cette campagne de mesure qui s’est déroulée en deux phases : une campagne estivale du 02/07/03 au 07/09/03 et une campagne hivernale du 18/11/03 au 11/02/04.
Aucun impact quantifiable de l’activité aéroportuaire sur la qualité de l’air ambiant ne peut être mis en évidence par les outils d’analyses que sont les journées et les semaines moyennes, ainsi que les roses de pollution. Cette synthèse est uniquement valable pour les conditions météorologiques rencontrées durant la campagne de mesure même si la durée de la campagne et la diversité des conditions météorologiques rencontrées peuvent garantir une bonne représentativité des mesures. "
Les polluants mesurés par l’ISSEP étaient les suivants : SO2, NO, NO2, CO, composés organiques volatils non méthaniques, benzène, toluène, ozone, PM10.
D’après ces deux études, aucun impact significatif des émissions des avions sur la qualité de l’air – en considérant principalement les polluants tels que NO, NO2, SO2, PM10 – n’a été identifié à proximité raisonnable des aéroports. Ces conclusions sont en soi relativement logiques, parce que les polluants émis par les avions ne peuvent influencer notre air ambiant qu’au début de la phase de décollage. Dès que l’avion prend de l’altitude, les polluants sont mieux dispersés et ne sont généralement pas rabattus vers le sol.
Par ailleurs, les résultats de ces deux études sont en accord avec de nombreuses études qui ont étudié les mêmes polluants (e.g. Dassen et al., 2006), ainsi qu’avec les récentes mesures de black carbon effectuées à proximité de l’aéroport de Schiphol (Keuken et al., 2015).
2. Particules ultrafines (UFP) émises par les activités aéroportuaires à Zaventem
Les particules ultrafines (UFP) ne font pas partie des polluants réglementés par les directives européennes.
Une récente étude menée à proximité de l’aéroport de Schiphol (1) a montré que les particules ultrafines (UFP) émises par les avions avaient un impact significatif sur la qualité de l’air à plusieurs kilomètres de distance. Bruxelles Environnement a voulu établir si un impact similaire sur la qualité de l'air était observé à proximité de l'aéroport de Zaventem. C'est dans ce cadre qu'une campagne de mesure des UFP (« particules ultra fines », de diamètre typiquement entre 10 à 100 nm) a été menée en collaboration avec la Région flamande.
Cette étude avait pour objectif d'évaluer l'impact des UFP émises par les activités aéroportuaires de Zaventem sur la qualité de l’air en Région bruxelloise. Il s'agissait notamment de déterminer si la zone nord-est de Bruxelles était exposée de manière significative aux particules émises par les avions, et de comparer en outre la contribution de l'aviation avec celle du trafic routier.
Campagne de mesures
La campagne de mesures a été réalisée à Evere (station EE01) à 5 km de l'aéroport, au cours des mois d’octobre et de novembre 2015. Elle a permis de mesurer en continu les UFP, le dioxyde d'azote (NO2) et le Black Carbon (BC). Des campagnes de mesure similaires ont été réalisées à la même période, par la Région flamande à 500 m de l'aéroport sur le territoire de la commune de Diegem (station MC03), à 700 m de l'aéroport sur le territoire de la commune de Steenokkerzeel (station SZ04) ainsi qu’à Kampenhout (station KM02), à une distance de 7 km de l’aéroport et en environnement rural.
Les concentrations d’UFP, BC et NOx ont ainsi été mesurées en continu en ces quatre points de mesure pendant une période de deux mois (octobre et novembre 2015), pour assurer une représentativité des conditions météorologiques et des résultats de mesure. Pendant la période de mesure en question, la majorité des décollages et atterrissages ont eu lieu sur la piste 25R/07L, possédant une fréquentation moyenne environ deux fois supérieure à celle de la piste 25L/07R et huit fois supérieur à la piste 19/01.
Différents indicateurs statistiques ont été évalués sur base des concentrations d’UFP mesurées toutes les 5 minutes par les analyseurs SMPS. Dans ce qui va suivre, le terme « concentration » désigne toujours un nombre de particules par unité de volume (pt/cm³), unité couramment utilisée pour quantifier les UFP.
Résultats de la campagne
La campagne de mesure a montré que la concentration d’UFP dans la tranche de diamètres 10 – 30 nm, en moyenne sur la période de mesure, est bien plus élevée à proximité de l’aéroport (MC03, SZ04) qu’aux stations situées respectivement à 5 et 7 km de l’aéroport (EE01, KM02) : la part relative de la classe 10-30 nm par rapport aux UFP totales (10-100nm) est en effet de 53 % en moyenne à Evere (EE01) contre respectivement 69 et 75% aux stations de Diegem (MC03) et de Steenokkerzeel (SZ04). De plus, la concentration moyenne de particules dans la classe 10-30 nm à Evere est environ 2.5 fois plus faible qu’à MC03 et SZ04. Enfin, la concentration moyenne en UFP (sur la période de deux mois de la campagne de mesure), aux stations EE01 et KM02, est de l’ordre de grandeur d’un fond urbain annuel typique, que ce soit pour la tranche 10-30 nm ou pour la tranche 10-200 nm.
Les UFP émises par les activités aéroportuaires n'influencent la Région bruxelloise que pendant les 6% du temps (environ 22 jours/an) où le vent souffle depuis l'aéroport. Dans ces conditions spécifiques, l’exposition aux UFP émises par les activités aéroportuaires (de diamètres entre 10 et 30 nm) représente, à Evere, un supplément de :
- moins de 5.500 particules/cm³ pendant 16,5 jours/an ;
- 5.500 à 10.000 particules/cm³ pendant 3,5 jours/an ;
- 10.000 à 14.000 particules/cm³ pendant 1 jour/an ;
- plus de 14.000 particules/cm³ pendant 1 jour/an ;
ce qui correspond à un supplément moyen de 3.400 particules/cm³, réparti à raison de 58% issus des activités aéroportuaires et de 42% provenant vraisemblablement des émissions du trafic. Ce supplément est à mettre en relation avec le niveau moyen (c-à-d toutes situations confondues) observé à 4.600 particules/cm³ à Evere.
Pendant les 94% du temps où le vent ne souffle pas depuis l’aéroport, la qualité de l'air en Région bruxelloise n'est pas affectée par les UFP émises par l'aéroport de Zaventem.
Conclusions
Les UFP émises par les activités aéroportuaires ont donc un impact mesurable sur la qualité de l’air en Région bruxelloise mais cet impact n’est effectif que lorsque le vent souffle de l’aéroport vers la Région bruxelloise, soit en moyenne pendant 6 % du temps. Cet impact est significatif et dominant à proximité de l’aéroport (moins de 1 km). Il diminue sensiblement à mesure que l’on s’éloigne de l’aéroport et devient relativement faible (avec une diminution d’un facteur 10), au-delà de 5 km de distance.
Cette étude permet de conclure qu’en Région bruxelloise, la principale source d’UFP demeure – de loin – le trafic routier. Il convient donc de poursuivre la mise en œuvre des mesures visant à réduire les émissions du trafic, que ce soit par le biais de l’amélioration technologique des moteurs ou par la réduction du volume de trafic circulant en Région bruxelloise.
Référence
(1) Keuken, M.P., Moerman, M., Zandveld, P., Henzing J.S., Hoek G. (2015). Total and size-resolved particle number and black carbon concentrations in urban areas near Schiphol airport (the Netherlands). Atmospheric Environment 104, 132-142.