
Comment mieux trier dans les commerces bruxellois ?
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Plus de 22.000 commerces de proximité sont installés dans les rues de Bruxelles. Ils sont dans l’obligation de trier leurs déchets non-ménagers. Pour accompagner leurs efforts, des monitrices et moniteurs ont été déployés sur le terrain durant l’année 2022. Alina, monitrice chez Bruxelles Environnement, nous explique sa mission de porte-à-porte auprès des commerces. Un projet pilote mené par le service Inspection.
C’est quoi être monitrice et quel rôle jouez-vous auprès des commerces ?
Notre mission consiste à visiter les commerçants, commerçantes afin de voir leurs habitudes de tri, leur production de déchets, s’ils ont un contrat de collecte des déchets pour les professionnels... Et le cas échéant, leur expliquer comment demander le contrat et où trouver la liste des collecteurs de déchets. Notre rôle est donc de les informer et de les encourager à trier, faire davantage d’efforts.
Comment ça se passe sur le terrain, avez-vous été bien accueillie ?
Tout d’abord, je me présente et leur explique que ce n’est pas un contrôle. La visite est utile pour eux et pour la planète. Je pose quelques questions sur leurs habitudes de tri des déchets et leur explique comment procéder si ce n’est pas en ordre. Je remets une affiche et des données de contact uniquement à ceux et celles qui en ont vraiment besoin. En général, les commerces ont envie de faire ce changement afin d’être en ordre de tri. En ce qui concerne l’accueil, parfois il est bon, parfois moins bon mais le principe est de toujours communiquer et de leur transmettre leurs obligations.
Selon la loi Brudalex, mise à jour en juin 2022, les entités qui produisent des déchets non-ménagers sont tenues de les trier et de garder la preuve de leur bonne gestion. Par ailleurs, les commerçants et commerçantes ne peuvent plus mettre à disposition de leur clientèle des sacs plastiques à usage unique (épaisseur inférieure à 50 micromètres).
Quels sont les premiers constats ?
Les commerçants et commerçantes n’ont souvent ni le temps ni la place pour se conformer aux exigences de tri. Ce sont de réels obstacles. Certains, par contre, produisent très peu de déchets, voire zéro déchetL’expression « zéro déchet » recouvre une idée, un mode de vie et un mouvement sociétal. L’idée, mise en avant par quelques pionniers, est pour un citoyen, un ménage, une organisation ou encore un processus industriel de progresser vers un fonctionnement qui tende à ne plus produire aucun déchets, et en corollaire quasi automatique, de consommer moins de ressources. Bien que le « zéro déchet » absolu soit sans doute impossible à atteindre, la radicalité de l’expression dénote son ambition : il s’agit de réévaluer toutes les facettes d’un fonctionnement pour diminuer massivement la production de déchets.. Il y en a peu, mais il y en a ! Ils ne comprennent donc pas pourquoi ils doivent avoir un contrat de collecte de déchets, ce qui est compréhensible. Il faut donc parfois faire preuve d’écoute.
Combien d’établissements avez-vous visités et dans quels secteurs ?
L’équipe a rendu visite à environ 5.000 établissements en un an. Aujourd’hui, ce chiffre grimpe à 8.000. Le suivi est important car l’information n’est pas toujours transmise à la personne responsable, ou parfois celle-ci ne souhaitait pas nous parler. Certains commerces étaient fermés, je les ai donc rappelés pour fixer un rendez-vous ou donner les informations par téléphone. Nous avons couvert beaucoup de secteurs : agences de voyage, immobilières, commerces alimentaires, salons de beauté, coiffeurs, concessionnaires auto, restaurants, bricolage, articles ménagers, papeteries, clubs de sport, opticiens, magasins de vêtements et d’accessoires de mode, etc. La liste est longue ! Dans un premier temps, nous avons évité les boucheries et les pharmacies, qui sont tenues à des exigences de tri spécifiques, mais nous leur avons rendu visite par la suite.
Votre top 3 des meilleurs conseils pour bien trier?
- Le 1er conseil vraiment crucial : avoir les récipients près de soi, là où l’on travaille, pour ne pas devoir faire le tri à la fin de la journée. Cela doit devenir un réflexe de trier au fur et à mesure (par exemple, pour les restaurants).
- Le 2ème conseil : chercher le collecteurcollecteur, négociant et courtier qui convient le mieux. Chaque collecteur propose un service différent et tous les flux de déchets produits ne sont pas toujours gérables par un seul collecteur. Ce qui peut entrainer de la démotivation auprès de certains gérants, gérantes.
- Le 3ème conseil : acheter la quantité adaptée de sacs pour ne pas tomber à court et apposer une affiche sur le mur du local à déchets, afin que le personnel sache dans quelle poubelle jeter.

Une anecdote amusante ?
Un fleuriste m’a prié de revenir quand je parlerais le néerlandais, alors que je le parle ! Je lui ai proposé de recommencer la discussion dans sa langue. Aussi, dans les galeries de la Porte de Namur, les commerçants trient comme en France, avec des couleurs de sacs opposées à celles utilisées en Belgique. J’ai donc passé du temps à réexpliquer les bonnes couleurs ! À part cela, tout se passe assez calmement...
Comment avez-vous été préparée pour la mission ?
Au début de la mission, nous avons reçu une formation de 2 jours pendant lesquels les anciens collègues (dont je fais maintenant partie) ont créé une structure de dialogue avec les commerçants, commerçantes. Cela nous a permis de nous entraîner car sur le terrain, la conversation ne se déroule pas toujours comme prévu. Nous avons également bénéficié d’une formation technico-juridique. Rester au courant des pratiques de tri est aussi indispensable. Nous nous sommes renseignés, en complément, sur les sites de Bruxelles Environnement, Bruxelles-Propreté et Recycle BXL Pro. Nous avons aussi formé et accompagné sur place les moniteurs et monitrices débutants. Le réel point fort : l’usage de différentes langues pour briser la glace. Moi, par exemple, je parle le roumain et le russe. C’était apprécié auprès de certains commerces comptant une forte communauté de Roumains et Moldaves, comme dans le quartier Simonis. Un autre collègue parle le turc et l’arabe. On s’est donc réparti les quartiers selon nos affinités.
Quels outils utilisiez-vous sur place ?
Nous disposions de tablettes avec un questionnaire en ligne que nous faisions compléter lors de chaque visite. Dans certains cas, ce n’était pas facile car il fallait 15 minutes pour remplir le questionnaire. Parfois, le commerçant n’avait pas le temps et on se retrouvait alors dehors, sous la pluie, à le compléter... Maintenant, l’outil a été simplifié et cela prend moins de temps.
Quels types de tri posent le plus problème ?
L’usage des sacs pour les déchets alimentaires est problématique : les commerces ont généralement très peu de déchets alimentaires et les sacs orange ne sont donc pas adaptés à leur activité. Ils ne savent pas non plus que ce tri est devenu obligatoire, ils le découvrent avec nous. Et enfin, les poubelles des fast food : ils produisent énormément de déchets et les clients jettent directement les restes de leur repas, ce qui veut dire que la qualité du tri pose question.
Avez-vous l’impression que votre passage va modifier le comportement des commerçantes et commerçants par rapport au tri ?
Oui, je pense que nous avons réussi à convaincre ceux et celles que nous avons visités. Déjà, leur suggérer de faire un contrat, avec l’argument des sanctions éventuelles à la clé. Nous rappelons souvent aux commerçants que pour leurs déchets non dangereuxTous les déchets qui ne sont pas des déchets dangereux conformément à l’ordonnance du 14/06/2012 relative aux déchets (article 3,2°)"déchet dangereux" : tout déchet qui présente une ou plusieurs des propriétés dangereuses énumérées à l'annexe 3, ils doivent posséder la preuve de la bonne gestion de leur déchets (contrat, facture, attestation d'un centre autorisé, bordereaux de collecte). Chacun doit agir de son côté pour améliorer la situation et ne pas attendre que la solution vienne d’un tiers... Donc, je pense que cela a été utile, mais un grand nombre de commerces doivent encore être visités, car ils ne savent toujours pas qu’ils ont des obligations.
Des enseignements intéressants
Grâce aux données collectées par les monitrices et moniteurs, le projet a permis de produire des résultats qualitatifs. Ces derniers permettent de dégager des enseignements intéressants pour accroître encore un peu plus cette bonne gestion des déchets par les commerces bruxellois. Ainsi, l’action menée a mis en lumière des disparités dans l’application de la réglementation en fonction des catégories de déchets. Les données, une fois compilées, permettent de tirer des conclusions statistiques et des grandes tendances utiles à la préparation de nouvelles inspections et au lancement de campagnes de communication impactantes.
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