
Pollution à l’intérieur de nos habitations : rencontre avec le Dr Olivier Michel
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Rhinite à répétition, maux de tête récurrents… Certains symptômes peuvent alerter les médecins sur l’impact potentiel d’une pollution de l’air sur la santé de leurs patients et patientes. Une réalité fréquemment rencontrée par le docteur Olivier Michel, professeur à l’ULB, chef de la Clinique d’Immunoallergologie du CHU Brugmann et pneumologue à l’Hôpital Delta.
La population belge est-elle fortement touchée par les polluants intérieurs ?
La grande majorité des patients et patientes sont sensibles aux allergènes. En Belgique, on comptabilise 10 à 15% d’allergiques : près de 70.000 asthmatiques, un million de personnes affectées par des rhinites dues aux acariens et un autre million sensible aux allergènes domestiques. Ces chiffres ont augmenté en un demi-siècle, notamment suite à l’isolation des maisons sans l’apport d’une ventilation suffisante... Un combo qui stimule, par exemple, la prolifération des acariens et des moisissures.
Les polluants toxiques peuvent être omniprésents dans la maison...
Oui. Il s’agit de la première cause de problèmes médicaux liés à l’habitation et les jeunes enfants sont les premiers touchés. On pense au tabagisme, au dégagement de composés organiques volatiles (COV) issus des meubles, des peintures, des colles, des parfums d’ambiance, etc. Mais aussi aux diffusions de gaz comme l’oxyde d’azote lorsque l’on a une cuisinière au gaz, par exemple. Les produits d’entretien sont aussi une source potentielle de problèmes respiratoires, surtout lorsqu’il s’agit de produits chlorés et contenant de l’ammoniac.
Y a-t-il d’autres sources de polluants liés à l’activité dans l’habitat ?
Les chauffe-eaux et chauffages au gaz mal ou non-entretenus, qui peuvent dégager du monoxyde de carbone, un gaz qui tue encore chaque année. La fumée émanant de chauffage au bois ou au charbon. Lorsqu’il s’agit d’une installation en circuit fermé, il n’y a pas de problème mais avec un feu ouvert, le bois libère des substances pro-inflammatoires et cancérigènes. Il faut toujours veiller à bien ventiler, à prévoir une aspiration suffisante.
On parle aussi des parfums comme étant dangereux ?
Oui, tout ce qui sent bon, que ce soit naturel ou chimique : les huiles, les bougies, les encens dégagent de très fines particules toxiques pour la santé pulmonaire, vasculaire et cérébrale. Lorsque l’on sait que l’on passe 85% de notre temps à l’intérieur et peut-être encore 6% dans les transports... Il est important de veiller à la qualité de l’air que l’on respire.
Quels sont les problèmes médicaux que l’on rencontre le plus régulièrement ?
La rhinite, un rhume permanent qui peut s’étendre vers les bronches. On la sous-estime souvent mais elle peut avoir un fort impact : elle perturbe le sommeil et peut provoquer de la fatigue. Certains des patients et patientes peuvent aussi développer des bronchites chroniques ou de l’asthme allergique. Enfin, c’est plus anecdotique mais néanmoins très grave, il existe aussi l’alvéolite, qui consiste en une inflammation des alvéoles du poumon lorsque l’on s’expose fréquemment à des moisissures ou certaines déjections d’oiseaux. Cette maladie affecte souvent les colombophiles.
On peut développer des problèmes dermatologiques comme des inflammations de la peau, de l’eczéma. Mais aussi des maladies vasculaires lorsque l’on respire des nanoparticules qui arrivent à passer dans la circulation sanguine, ou encore des symptômes généraux tels que maux de tête, fatigue, etc. Et enfin, on ne peut pas exclure qu’il y ait aussi une influence sur certaines maladies neurologiques comme l’Alzheimer.
Non. Il existe des prédispositions génétiques. D’autres facteurs peuvent aussi influencer… Les jeunes enfants y sont, par exemple, particulièrement sensibles car leur système respiratoire est en croissance.
La rhinite chronique est l’un des premiers signes qui alerte. J’interroge ensuite mes patients en leur demandant si il ou elle se sent mieux dans un environnement autre que son habitation, en vacances par exemple.
Je tente d’abord de donner des conseils raisonnables comme le fait de veiller à l’aération, d’aspirer régulièrement les poussières, les matelas en cas d’allergie aux acariens. S’il s’agit d’une allergie à un animal, c’est plus délicat car de nombreuses personnes ne souhaitent pas confier leur chat, leur chien, leur rongeur à une autre personne… Je conseille alors de ne plus le faire entrer dans la chambre à coucher, de passer l’animal à l’eau une fois par semaine, d’installer des filtres à air. On peut aussi envisager un traitement désensibilisant. Seul un tiers des patients et patientes se sépare de leur animal.
Cela m’arrive peut-être 5 à 6 fois par an, lorsqu’il s’agit d’une situation particulière, lorsque j’ai un doute, qu’il demeure un mystère. S’il est flagrant qu’il s’agit d’un problème de moisissures par exemple, je ne fais pas appel au service. La cause est évidente. Pour des personnes allergiques qui pourraient aller vers de la biothérapie, c’est intéressant de creuser la source de leurs symptômes avant d’entamer ce traitement très coûteux.
Non. Le contact est simple. Cela ne me demande pas de travail supplémentaire. Je reçois le rapport réalisé par l’équipe qui analyse l’habitation et aussi leurs conseils adressés à la personne ou la famille concernée. Ceux-ci sont souvent pratiques et réalisables.
Trop peu. Il y a un manquement au niveau de la formation. Il est intéressant notamment d’avoir le réflexe d’investiguer au niveau sanguin. Nombreux sont aussi les médecins à ne pas suffisamment connaître l’existence du service CRIPI…
Vous suspectez la présence de polluants intérieurs ?
Ces polluants peuvent impacter la santé de vos patients et patientes.
Contactez : cripi@environnement.brussels