Cultiver à Bruxelles : une foison de projets au bénéfice de la population
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En 2022, plus de 470 tonnes de nourriture de qualité ont été produites par les agriculteurs et agricultrices bruxellois. Cela représente aussi 2 fois plus de fruits et légumes en 4 ans. Dans ce contexte de développement fulgurant, quel est l’avenir de la production agricole professionnelle au niveau local ? Selon Gaëtane Charlier, coordinatrice de la FedeAU, l’agriculture urbaine doit encore trouver sa place pour pouvoir être à la fois écologique et viable économiquement.
Pouvez-nous nous présenter la FedeAU en deux mots ?
La Fédération bruxelloise des professionnels et professionnelles de l’agriculture urbaine représente l’ensemble de l'agriculture durable, petites surfaces. L’agriculture urbaine, c’est la production intra-muros bruxelloise.
Nous représentons la grande majorité des entités bruxelloises dans ce domaine, environ 50 membres. Cela inclut aussi des membres péri-urbains, mais qui doivent être dans les conditions à savoir produire durablement et avoir un réseau de commercialisation local ancré dans la ville. Pour être reconnu « agriculture urbaine », il faut nourrir directement Bruxelles, et non pas distribuer via des grossistes à destination d’autres marchés.
Au départ, notre objectif était de représenter des gens qui étaient vraiment invisibilisés. Nous reprenons toutes les formes de production à Bruxelles : les fermes urbaines, les cultures intégrées au bâti, les projets en toiture, etc.
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Gaëtane Charlier (à droite) coordinatrice de la Fédération professionnelle du secteur de l’agriculture urbaine à Bruxelles (FedeAU). Laura S. Herman (à gauche), chargée de communauté.
Selon votre analyse, les impacts de l’agriculture urbaine à Bruxelles devraient bénéficier à 10 ou 13 % de sa population d’ici 2030. Pouvez-vous expliquer ?
Il faut d’abord préciser que ce pourcentage ne représente pas uniquement l’alimentation, parce qu’on en est loin ! Ces chiffres sont issus des données récoltées auprès de tous nos membres ainsi qu’auprès d’un petit nombre de non-membres, dans Bruxelles intra-muros. C’est important à préciser, car nous n’avons pas pris en compte la périphérie. Nous avons fait une projection sur base notamment des surfaces occupées et de la production, ainsi que des objectifs de « Good Food 2 » à l’horizon 2030. Ce plan recense des objectifs en termes de création de nouveaux projets de production et de mobilisation d'hectares alloués à l'agriculture.
Donc, ces 10 à 13% portent sur l’ensemble des bénéfices de l’agriculture urbaine : les aspects productifs mais aussi sociaux, de cohésion sociale, de santé mentale et d'emploi. Par contre, nous n’avons pas mesuré les impacts environnementaux, parce que nous n’avons pas les compétences pour mener ce type d’études. Mais ils impactent l'entièreté de la région.
Quels sont vos rapports avec l’agriculture conventionnelle ?
N’oublions pas que Bruxelles compte près de 230 hectares d'agriculture conventionnelle, avec ± 30 fermes qui cultivent à Bruxelles mais surtout dans la périphérie.
Bien entendu, ce secteur dispose de ses propres organes de représentation. Clairement, nous n’avons pas fait la démarche de les intégrer parce qu'ils sont dans des réalités très différentes. Mais peut-être que cela évoluera. Les perspectives européennes de réduction de l’utilisation des pesticides pour des systèmes alimentaires plus durables va amener à revoir la production alimentaire. Bruxelles Environnement travaille précisément à accompagner ces fermes-là dans la transition.
L’agriculture locale, durable, est-elle viable économiquement ?
L’agriculture urbaine est un secteur encore jeune, qui ne cesse de se développer. Depuis 2018, le chiffre d’affaires moyen par hectare de production a augmenté de 25% pour le maraîchage pleine terre. Le nombre d’emplois, lui, a augmenté de près de 50%. Sans mentionner les emplois dans la transformation et la distribution.
Mais on sait que la production agricole est mal rémunérée, avec un risque même de précarité. Nous avons calculé que le salaire moyen était 40 % plus bas que le salaire minimum à Bruxelles. La valorisationToute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d’autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l’usine ou dans l’ensemble de l’économie. du travail agricole durable est notre priorité.
Bruxelles Économie et Emploi, en charge des questions agricoles professionnelles en Région bruxelloise, travaille pour le moment sur une ordonnance qui devrait mieux encadrer le financement du secteur. Lorsqu’elle sera validée, elle permettra de mettre en place une aide au fonctionnement.
Jusqu’à présent, les soutiens se présentent sous forme d’appels à projets. L'appel à projets Good Food Agriculture Urbaine a permis à l'agriculture urbaine de se développer ces dix dernières années. Un projet pilote, BoerenBruxselPaysans, a pu accompagner des personnes dans leur démarrage. Mené par 6 partenaires, il a bénéficié de budgets FEDER limités dans le temps. Toutefois ce système d’aides montre ses limites, parce qu’on est dans un processus non structurel.
À part l’alimentation, quelles sont les autres retombées de l’agriculture urbaine ?
L'agriculture urbaine a une vocation productive en termes de souveraineté alimentaire. Attention, on ne parle pas d'autonomie alimentaire, mais bien de souveraineté. Donc se réapproprier nos modes d’alimentation.
Mais il y a aussi tous les autres bienfaits sociétaux. Diverses études montrent que plus d'une centaine de fonctions sociétales sont remplies par l'agriculture urbaine selon le type de projets : la sensibilisation à l’alimentation durable, l’accueil de personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou d’addiction, la formation à l’emploi de travailleurs et travailleuses peu qualifiés, les activités pédagogiques, les événements sociaux, etc. En 2022, les actions de sensibilisation dans les fermes ont touché plus de 34.000 personnes à Bruxelles. La preuve que l’agriculture urbaine est un secteur attractif pour les Bruxellois et Bruxelloises, et qu’ils veulent le préserver.
De nombreux projets font aussi de l'insertion socioprofessionnelle. En 2022, 150 stagiaires étaient en insertion professionnelle. Et 145 personnes porteuses de handicap travaillaient à la ferme Nos Pilifs.
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Les projets de l’agriculture urbaine à Bruxelles en 2022. Source : Analyse de la FedeAU sur les impacts et potentiels de l’agriculture urbaine à Bruxelles.